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9 novembre 2012 5 09 /11 /novembre /2012 21:55

11 novembre

 

L’armistice ! On était grisé d’un bonheur triste, comme d’une trop grande joie qui arrive sans qu’on s’en doute. Ce n’était pas l’exubérance du Paris en délire, débordant sur les boulevards. Le poilu acceptait cela comme il avait accepté les batailles auxquelles il avait pris part, sans étonnement. C’était tellement naturel que l’armistice arrive après tant de peine et de souffrance !

Et cependant il y avait un vieux fond d’incrédulité, qui empêchait toute manifestation extérieure bruyante ; le soldat tâtait tous ses membres pour bien se persuader qu’il était sorti indemne de ces longues bagarres dangereuses, entre peuples revenus à l’état sauvage ».

(Pierre Héricourt - Le 418e, Un régiment. Des chefs. Des soldats, Paris, Nouvelle Librairie Nationale, 1922)

Le lundi 11 novembre, par une belle journée ensoleillée, alors que je suis en pleine forêt, j’entends de toutes parts sonner les cloches, joyeuses annonciatrices de la fin du plus horrible cauchemar que l’humanité ait jamais connu. Une joie délirante s’empare du pays tout entier et surtout des survivants, qu’ils soient à l’avant ou à l’arrière. Je voudrais être au front à cet instant suprême, au milieu de mes camarades, pour partager leur enthousiasme après avoir partagé leurs souffrances. Mais je me demande si leur étonnement n’est pas aussi très grand et s’ils ne se posent pas, entre autres questions : « Est-ce bien vrai ?… Par quel hasard suis-je encore là ?… » Et comme je le fais, leur pensée doit se porter vers tous nos camarades, dont les noms commencent à nous échapper, et que nous avons vu tomber à nos côtés, sur tous les champs de bataille, de l’Alsace aux Flandres, fauchés, broyés, déchiquetés par la mitraille, brûlés, gazés, ensevelis, enlisés, disparus à jamais au cours d’atroces combats.
Si leur sacrifice et les souffrances que nous avons endurées préparent des lendemains plus heureux, tout cela n’aura pas été fait en vain. Mais peut-on espérer en la sagesse humaine ?

 (Emile Morin, Lieutenant Morin. Combattant de la guerre 1914-1918, Besançon, Cêtre, 2002)

Aucune joie bruyante, aucune manifestation n’accueille cette nouvelle. Il semble que les esprits éprouvent une certaine difficulté à s’assimiler cette idée. A onze heures, le lieutenant-colonel commandant le régiment réunira les officiers pour leur annoncer officiellement l’armistice : même absence de réactions. Le soir, seulement, la gaieté apparaîtra, et encore ne sera-ce qu’une gaieté spéciale, celle de l’homme qui se dit, après raisonnement : « Je dois être gai ! » ; et la nuit se passera au milieu des sonneries de cloches, sous le ciel éclairé par les multiples fusées que lancent les soldats en signe de réjouissance, et que d’autres soldats répètent, de vallonnement en vallonnement.

(Ph. Jean Grange - Philibert engagé volontaire (1914-1918), Paris, A. Michel, 1932)

 

Au lendemain de la victoire, le pays apparait dévasté et appauvri. Le million et demi d'hommes, tués au combat manque cruellement au moment de reconstruire la France.

Ruinés, les pays de la vieille Europe ne dominent plus le monde. Les Etats-Unis ont su profiter de la guerre pour devenir la première puissance mondiale.

Le bilan humain de la Première Guerre mondiale s'élève à environ 9 millions de morts et 8 millions d’invalides soit 6 000 morts par jour. La France est le pays le plus touché avec 1,4 million de tués et de disparus. Une part prépondérante d’une génération de jeunes hommes dont la vocation naturelle était de fonder une famille a été sacrifiée. L’Europe d’aujourd’hui souffre toujours de cette saignée démographique.

Aujourd’hui, 11 novembre 2012 : nos élus, avec un air grave de circonstance iront déposer des gerbes aux monuments aux morts. Avec des trémolos dans la voix ils évoqueront, dans des discours vibrant d’émotion, le patriotisme, le sens du devoir et l’abnégation de nos anciens. Satisfaits de cet exercice convenu qu’ils auront accompli avec professionnalisme et toute la componction requise, nos courageux élus repartiront au combat contre les dangereux extrémistes qui ont l’audace de se reconnaître dans les mêmes valeurs d’amour du pays, d’honneur et de dignité. Ceci afin de préserver le « pacte social », autrement dit leur confort moral et matériel.

 

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Fils de France, qui, au seuil de votre vie d’homme n’avez quitté votre adolescence et vos parents que pour être jetés dans les champs de fer et de feu, en votre Eternelle Jeunesse vous demeurez à jamais nos enfants perdus. Reposez en paix !

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